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Des indicateurs pour des soins pertinents

16-08-2023

Sur proposition du Conseil National de Promotion de la Qualité (CNPQ) de l’INAMI, deux nouveaux indicateurs de déviation manifeste des bonnes pratiques médicales vont être publiés au Moniteur Belge prochainement. Le premier vise à éviter les surfacturations d’urgence erronées pour des IRM non urgentes en ambulatoire. Le second délimite un intervalle minimal entre la première consultation avec un chirurgien bariatrique et l’intervention chirurgicale.
Ces indicateurs visent à augmenter la qualité et l’efficacité des soins aux patients en réduisant les risques pour la santé et le caractère inutilement coûteux ou superflu de certains soins. Les indicateurs responsabilisent, dès lors, les prestataires ou les prescripteurs en leur permettant de confronter leurs pratiques à une pratique scientifiquement et médicalement reconnue comme appropriée (d’où le terme de « bonnes pratiques médicales »).

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Pourquoi des indicateurs ?

Depuis quelques années, un changement s’opère pour orienter les politiques de santé sous l’angle de l’appropriate care (le soin approprié, au bon endroit selon la situation médicale du patient, et à un prix correct) qui vise l’efficience en réduisant les soins non pertinents.
La mise en place d'indicateurs est un levier pour y parvenir. Ils sont mis en place lorsque la sensibilisation, seule, n’a pas suffi à agir sur l’adéquation entre les pratiques sur le terrain et ce qui est considéré, scientifiquement et médicalement, comme de bonnes pratiques médicales. Ces mesures - définies sans ambiguïté et largement communiquées aux dispensateurs de soins – les responsabilisent dans leur rôle de prescripteur ou de prestataire. L’indicateur ne limite en aucun cas la réalisation d’une prestation nécessaire mais agit comme un seuil de responsabilisation de la pratique médicale au-delà duquel une justification du prestataire pourra être demandée. Dès lors, ces indicateurs ne sont pas absolus, des exceptions motivées restent possibles. C’est pourquoi tout patient qui nécessite des soins qui se justifient pourra toujours en bénéficier.

« L'assurance soins de santé intervient pour renforcer l’accès à des soins nécessaires, utiles, efficaces et de qualité pour tous. En effet, des soins inutiles et inefficaces sont, non seulement une dépense inutile, mais peuvent aussi représenter un danger pour la santé des patients (par exemple : imagerie médicale inutile ou risques inhérents à toute intervention chirurgicale). Nous constatons que des mesures similaires basées sur des données scientifiques et médicales validées se sont révélées efficaces dans d’autres pays, et rappelons que ces indicateurs sont généralement mis en place après plusieurs tentatives préalables de sensibilisation des dispensateurs de soins. Nous soutenons donc totalement la mise en place de ce nouvel instrument, développé par une concertation et un accord au sein du CNPQ, pour renforcer la pertinence des soins au profit des patients », détaille Benoît Collin, Administrateur général de l’INAMI.

Même si chaque indicateur peut avoir un impact budgétaire, leur objectif n’est en aucun cas économique. Des économies seront réalisées dans certains cas de figure et, dans d’autres cas, des dépenses supplémentaires pour des soins plus adaptés seront nécessaires. Si des ressources venaient toutefois à être libérées, elles seraient réinvesties dans les soins de santé.

Comment sont établis les indicateurs ?

Le CNPQ (composé, entre autres, de médecins généralistes et spécialistes, de représentants médecins des universités, des organisations scientifiques médicales et des organismes assureur), sur base de revues de la littérature, d’analyse de données  et de comparaison avec d’autres pays, approuve un seuil univoque qui permet au dispensateur de soins de contrôler objectivement son comportement en matière de prescription et de facturation, et de l’ajuster si nécessaire. Les récents indicateurs de déviation manifeste des bonnes pratiques médicales étaient par ailleurs soutenus par le CEBAM et le KCE.

Les dispensateurs de soins sont informés de ce seuil par différents canaux, dès leur publication au Moniteur belge. Après un certain temps, la mesure dans laquelle les dispensateurs de soins de santé ont effectivement pris en compte le seuil dans leur pratique sera évaluée. En cas de dépassement du seuil, le dispensateur de soins pourra être invité à donner des explications. Si le dépassement ne peut être justifié, des mesures supplémentaires pourraient être prises. Cela peut se faire, par exemple, par le biais d'une sensibilisation supplémentaire, d'avertissements, de constats pouvant mener à la récupération de montants indûment versés aux dispensateurs de soins, etc.

Nouvel indicateur pour éviter de facturer les suppléments d'urgence pour des IRM non urgentes

Le CNPQ, soutenu par le CEBAM (Belgian Center for Evidence Base Medecine) et le KCE, a validé un indicateur publié prochainement au Moniteur Belge qui détermine un seuil de facturation maximale des IRM urgentes en ambulatoire à 5 IRM urgentes par 1000 IRM pratiquées en ambulatoire, par année calendrier.

Les suppléments d'honoraires pour les prestations urgentes effectuées pendant la nuit, le week-end ou durant un jour férié et qui sont facturés dans le cadre des IRM le sont souvent à mauvais escient. Le montant total facturé en 2019 pour les suppléments IRM s’élevait à environ 1.000.000 d’euros dont 87,5% pour les patients en ambulatoire.
Plusieurs analyses ont montré que la plupart de ces suppléments étaient en fait facturés pour des examens IRM programmés et donc sans aucune notion d’urgence. Par ailleurs, actuellement 57 hôpitaux (sur les 82 pratiquant des IRM) respectent déjà le seuil de ce nouvel indicateur.

Cette facturation incorrecte était le plus souvent due à un problème de paramétrage des logiciels de tarification, qui facturaient alors aveuglément un supplément en fonction de l’heure ou du jour de la semaine, sans tenir compte de l’heure et de la date à laquelle l’examen avait été prescrit. De plus, et comparativement au scanner, il y a peu d’évidence scientifique en faveur d’un recours massif aux IRM pratiquées en urgence dans le cadre des soins ambulatoires (patients non hospitalisés).

L’indicateur proposé ne concerne que les prestations ambulatoires, les patients hospitalisés après une admission aux urgences ou les patients qui sont déjà hospitalisés ne sont donc pas concernés . En outre, cela ne concerne que la facturation du supplément d'urgence, et non le nombre d’IRM réalisé. Quiconque a besoin d'une IRM pourra donc toujours l’obtenir.

Nouvel indicateur : intervalle minimal entre la première consultation avec le chirurgien bariatrique et l’opération

Le CNPQ, soutenu le CEBAM (Belgian Center for Evidence Base Medecine) et le KCE, a fixé un indicateur publié prochainement au Moniteur Belge qui détermine une période minimale de 3 mois entre la première consultation d’un patient avec un chirurgien bariatrique et l’intervention bariatrique en elle-même. Les 3 mois calendrier complets débutent à partir du premier jour de mois calendrier qui suit la date de la consultation. En cas d’urgence médicale, une dérogation reste possible en motivant la demande.

Actuellement, en Belgique, une durée très variable a été observée entre cette première consultation et l’intervention. Même si la majorité des opérations se déroulent bien au-delà des 3 mois, 25% d’entre elles se déroulent au-delà des 6 mois, 31,7% d’entre elles dans un intervalle de moins de 3 mois après la première consultation et même 4,3% sans aucune consultation préalable.

En 2009, dans un rapport concernant l’efficacité, la sécurité et le coût-efficacité de la chirurgie de l’obésité, le KCE avait démontré que « la chirurgie est plus efficace que le traitement conservateur dans les cas d’obésité morbide et d’obésité grave combinée avec d’autres affections. Toutefois, l’opération ne résout pas tous les problèmes et il existe notamment un risque de complications et d’effets secondaires. De plus, pour que son effet soit réel et durable, le patient doit adapter ses habitudes alimentaires et son comportement (p.ex. en faisant plus d’exercice physique) et ce pour le reste de sa vie. Il lui est également demandé de se plier à un suivi médical et nutritionnel, voire psychologique à long terme. Chaque candidat à la chirurgie bariatrique devrait donc être bien informé à ce sujet et recevoir des conseils appropriés, tant avant qu’après l’intervention ».

Le KCE recommandait également un même intervalle d’au moins 3 mois entre la première consultation et l’intervention bariatrique proprement dite, sauf pour des raisons médicales urgentes. En comparaison, en France, la Haute Autorité de Santé (HAS) propose une phase préopératoire d’une durée minimale de 6 mois. En Suisse, les lignes directrices de la « Swiss Society for the Study of Morbid Obesity’s » prévoient un intervalle minimum de 3 mois. Enfin, selon BeSOMS (Belgian Society of Obesity and Metabolic Surgery), un délai de plus de 3 mois est considéré comme trop long.

L’instauration d’un délai minimal préopératoire entre la consultation par un chirurgien bariatrique et le geste opératoire pourrait potentiellement conduire certains patients à renoncer à la chirurgie, ce qui théoriquement pourrait donner un nombre moindre de chirurgies. Cependant, des dépenses supplémentaires en diététique, psychologie ou pour d’autres prestations de santé pourraient être constatées. Cette proposition ne vise donc pas à réaliser d’éventuelles économies, mais bien à optimiser la qualité des soins.
De même, certaines interventions seront peut-être reportées, assurant ainsi une préparation optimale à l’intervention afin d’améliorer le bien-être du patient. Cet indicateur s’inscrit dans la lignée de la politique plus large menée par l’INAMI pour lutter contre l’obésité à l’instar des remboursements pour des traitements diététiques ou encore le trajet de soins intégrés pour les enfants et jeunes en situation d’obésité.

Une efficacité des soins recherchée aussi dans un récent indicateur pour la méniscectomie arthroscopique

En avril dernier, un premier « indicateur de déviation manifeste des bonnes pratiques médicales », validé par le CNPQ, avait été publié au Moniteur Belge afin de réduire l’utilisation non pertinente de la méniscectomie chez les patients de plus de 50 ans en encourageant les dispensateurs de soins à aligner la pratique de cette intervention sur les directives cliniques.
Une enquête nationale du SECM de l’INAMI avait en effet démontré que 60 % des méniscectomies réalisées en Belgique le sont chez des patients de plus de 50 ans. Or, chez les patients de plus de 50 ans, il s’agit le plus souvent de lésions dégénératives pour lesquelles l’arthroscopie n’apporte pas de bénéfices immédiats, contrairement à d’autres types de soins plus efficaces dans ce cas de figure (kinésithérapie, physiothérapie, infiltrations d’acide hyaluronique, médicaments, etc.).

Le seuil de 45% d’interventions de ce type pratiquées sur des patients de plus de 50 ans, par an et par prestataire, est donc un seuil de responsabilisation des dispensateurs de soins au-delà duquel une justification pourra être demandée. Ainsi, tout patient nécessitant une opération du ménisque répondant aux directives cliniques est par conséquent assuré d’en bénéficier, et ce quel que soit son âge.

Plus d’infos sur les indicateurs de déviation manifeste des bonnes pratiques médicales

 

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