10  Pharmacie

En ce qui concerne l’utilisation des produits pharmaceutiques, nous examinons l’utilisation de l’antibioprophylaxie, la thromboprophylaxie et l’utilisation des anesthésiques.

10.1 Prévention des infections et antibioprophylaxie

L’infection bactérienne est une complication majeure qui peut survenir pendant l’accouchement. Les césariennes sont associées à un risque accru d’infections post-partum telles que les infections des plaies, l’endométrite, les infections des voies urinaires (IVU). Les complications plus graves sont l’abcédation, le choc septique, la fasciite nécrosante et la thrombophlébite (World Health Organization 2021c; Stordeur Sabine et al. 2016). Les infections peuvent donc entraîner une morbidité et une mortalité maternelles et néonatales. Cette morbidité et cette mortalité liées à l’infection peuvent également affecter le nombre de jours d’hospitalisation et les liens entre la mère et l’enfant directement pendant la période du post-partum (World Health Organization 2021c).

10.1.1 Mesures de prévention des infections

Au sens large, selon le NICE, le risque d’infection peut être réduit en utilisant des techniques chirurgicales correctes, une préparation (cutanée) préopératoire correcte (World Health Organization 2018a) avec des agents antiseptiques topiques (Organisation mondiale de la santé 2021d) une préparation vaginale préopératoire (World Health Organization 2021d) et une antibioprophylaxie adéquate. L’OMS recommande d’identifier les facteurs de risque d’infection lors du suivi prénatal. Des politiques adéquates en matière de diabète, de carences nutritionnelles et d’anémie sont recommandées (World Health Organization 2021b) et communiqué de presse du KCE. Les mesures standards de prévention des infections à l’hôpital et à la maternité doivent être optimisées (Organization 2016). Les points d’attention comprennent l’hygiène des mains, la surveillance des signes cliniques d’infection et des paramètres d’infection, le développement et la mise en œuvre de protocoles internes.

10.1.2 Antibioprophylaxie

En ce qui concerne l’antibioprophylaxie, tous les hôpitaux audités utilisent une antibioprophylaxie pour les césariennes. 60-70 % des hôpitaux audités sur le terrain suivent des directives ou un protocole interne qui sont disponibles sous forme électronique.

Le BAPCOC recommande la céfazoline1 comme premier choix et le céfuroxime comme alternative dont l’administration est recommandée avant l’incision chirurgicale (voir les Recommandations de traitements anti-infectieux en milieu hospitalier de 2017. L’OMS recommande aussi l’utilisation d’une céphalosporine de 1re génération 30-60 min avant l’incision. Le bénéfice d’une céphalosporine de 2e génération n’a pas été prouvé. Une céphalosporine de 3e génération serait moins efficace dans ce cas, et devrait donc être évitée (World Health Organization 2021a). Lors de l’audit de terrain, il a été constaté que le céfazoline a été administré dans environ 3/4 des séjours pour césarienne audités. Dans environ un tiers des cas, il a été administré au cours de la période précédant l’incision. Mais le moment de l’administration est très variable : de 30-60 min. avant l’incision à après le clampage du cordon ombilical.

Dans certains cas à risque élevé, un traitement approprié peut être indiqué. Cela peut signifier qu’une dose plus élevée ou qu’une deuxième dose est appropriée. Certains facteurs tels qu’un indice de masse corporelle (IMC) maternel plus élevé, des heures de travail prolongées, une intervention chirurgicale de longue durée, des manipulations chirurgicales extensives et des pertes de sang massives peuvent augmenter le risque d’infection après une césarienne.

En l’absence de l’antibiotique de premier choix, un autre produit peut être utilisé. Le choix doit également être fait en fonction des directives locales en matière de politique antibiotique et de résistance microbienne, de chaque patiente et de l’expérience du médecin traitant. L’administration de l’association amoxicilline et d’acide clavulanique avant le clampage du cordon ombilical est contre-indiquée en cas de naissance prématurée en raison du risque d’entérocolite nécrosante (World Health Organization 2021a). Dans environ la moitié des hôpitaux audités, la clindamycine est le médicament de choix en cas d’allergie.

10.2 Thromboprophylaxie

L’immobilisation et les interventions chirurgicales peuvent entraîner la survenue de thromboses veineuses profondes (TVP) et d’embolies pulmonaires (EP). Malgré les progrès réalisés en matière de prophylaxie, de diagnostic et de traitement, ces maladies thromboemboliques veineuses (MTEV) peuvent entraîner une morbidité aiguë et chronique, voire un décès pendant le post-partum. En outre, la morbidité est importante en raison des effets aigus des douleurs aux jambes, des œdèmes et de la détresse respiratoire. Ces TEV peuvent entraîner des affections chroniques à plus long terme, notamment un syndrome post-thrombotique, une insuffisance veineuse et une hypertension pulmonaire. Le problème de la prophylaxie pharmacologique de la thrombose est qu’elle peut également avoir des effets indésirables tels qu’une interaction avec la cicatrisation des plaies ou une augmentation des pertes sanguines post-partum.

10.2.1 Détermination du risque

L’ACOG et la Société belge sur la thrombose et l’hémostase (BSTH) recommandent l’utilisation du score de Caprini pour définir le profil de risque de la patiente (American College of Obstetricians and Gynecologists’ Committee on Practice BulletinsGynecology 2021). Cela permet de classer le risque comme étant faible (1,5 %), moyen (3,0 %) ou élevé (6 %). Il faut également évaluer le risque d’hémorragie, qui peut être modéré ou élevé. Le choix de la thromboprophylaxie doit aussi tenir compte à la fois du profil de risque de la patiente et du risque hémorragique de l’intervention.

10.2.2 Mesures préventives

Les mesures préventives peuvent être divisées en interventions mécaniques et pharmacologiques.

Les interventions mécaniques sont la mobilisation précoce, la thérapie de compression telle que les bas élastiques thérapeutiques et la thérapie de compression pneumatique intermittente (CPI). La CPI est préférée aux bas élastiques thérapeutiques, mais le taux de compliance thérapeutique est plus faible.

Les mesures préventives pharmacologiques sont les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) et les héparines non fractionnées faiblement dosées (HNF). Les HNF sont de moins en moins utilisées, mais elles présentent toujours l’avantage d’être rapidement réversibles et de ne pas être éliminées par voie rénale. Dans le groupe des HBPM, on retrouve diverses molécules. En l’absence d’études comparatives directes, il n’y a pas de preuve d’une différence d’efficacité et d’effets indésirables entre les différents produits du groupe des HBPM. Elles sont considérées comme étant sûres pendant la grossesse et l’allaitement. La dose par produit dépend de la raison de l’utilisation (préventive ou curative), du profil de risque de la patiente et de la procédure. Il n’y a pas de consensus sur la question de savoir si la première dose doit être administrée avant ou après l’intervention chirurgicale

10.2.3 Hémorragies du post-partum

Une autre mesure préventive importante est celle de la prévention des hémorragies du post-partum. L’hémorragie primaire du post-partum ou hémorragie post-partum (HPP) est la perte d’un volume sanguin supérieur ou égal à 1000 ml avec des signes cliniques d’hypovolémie, 24 heures après l’accouchement (Committee on Practice Bulletins-Obstetrics 2017). Les principales raisons sont l’atonie de l’utérus, les traumatismes ou lacérations du tractus génital (vagin, col de l’utérus, utérus), la rétention placentaire ou les restes de placenta et les troubles de la coagulation (Committee on Practice Bulletins-Obstetrics 2017). La césarienne est associée à un risque plus élevé d’hémorragie du post-partum (Stordeur Sabine et al. 2016).

Les femmes à haut risque peuvent être identifiées afin que l’anticipation puisse conduire à une intervention opportune. Cependant, cette complication grave peut survenir chez des patientes ne présentant aucun facteur de risque (World Health Organization 2018b). Le développement d’une procédure interne active ou l’intégration dans le trajet de soins clinique pour les césariennes (et les accouchements en général) semble approprié (bienstockpost-partumHemorrhage2021?).

10.2.4 Prévention

En 2018, l’OMS a formulé des recommandations concernant l’utilisation des utérotoniques dans la prévention des HPP (World Health Organization 2018b).

  • Carbétocine (analogue de l’ocytocine à action prolongée) : prévention de l’atonie utérine après césarienne.
  • Carboprost (analogue méthyle de la prostaglandine F2α) : hémorragie du post-partum par atonie utérine.
  • Dinoprostone (prostaglandine E2) : stimulation de la motilité utérine pour la pré-induction et l’induction du travail.
  • Méthylergométrine (un alcaloïde de l’ergot) : post-partum pour la prévention ou le traitement de l’hypotonie et des saignements utérins.
  • Misoprostol (analogue synthétique de la prostaglandine E1) : déclenchement du travail. Une autre spécialité à base de misoprostol, également par voie orale mais à un dosage plus élevé et indiquée dans la prévention des ulcères chez certaines patientes sous AINS est utilisée hors AMM par voie orale ou vaginale pour une induction avant la 36e semaine de gestation, en post-partum saignement et provoquer un avortement.
  • Ocytocine : stimulation de la motricité utérine en cas de contractilité utérine insuffisante, et prévention et traitement des hémorragies du post-partum

Dans la situation où plusieurs options utérotoniques sont disponibles, l’ocytocine (10 UI, IM/IV) est l’agent utérotonique recommandé pour la prévention des hémorragies du post-partum pour tous les accouchements (World Health Organization 2018b; Parry Smith et al. 2020). Si l’ocytocine n’est pas disponible (ou si sa qualité ne peut être garantie), l’utilisation d’autres utérotoniques injectables (carbétocine (Kalafat et al. 2021) ou, si disponible, ergométrine/méthylergométrine, ou une combinaison à dose fixe d’ocytocine et d’ergométrine) ou de misoprostol oral est recommandée.

Dans tous les hôpitaux audités, des médicaments sont utilisés pour prévenir les hémorragies du post-partum. Toutes les directives et tous les protocoles appliqués utilisent principalement l’ocytocine comme mesure préventive. La carbétocine est également utilisée dans six hôpitaux. Dans les hôpitaux qui ne suivent pas les recommandations, l’ocytocine et la carbétocine sont également souvent utilisées. D’autres médicaments sont également mentionnés, comme la dinoprostone, la méthylergométrine, le Nalador® (spécialité française à base de sulproston), l’acide tranexamique et le Cytotec®, spécialité à base de misoprostol, indiqué dans le traitement de l’ulcère gastroduodénal. En outre, dans environ la moitié des hôpitaux audités, des mesures non médicales telles que le massage utérin, le ballon de Bakri, la vidange de la sonde et de la vessie ou la compression utérine sont également utilisées.

10.2.5 Anesthésie

Dans le cas d’une césarienne, on peut opter pour une anesthésie générale ou une anesthésie locorégionale (Al-Husban et al. 2021). Il existe actuellement trois types d’anesthésie locorégionale couramment utilisés. Il peut s’agir d’une anesthésie rachidienne, d’une anesthésie péridurale ou d’une anesthésie rachidienne et péridurale combinée (CSE).

La rachianesthésie est le premier choix pour une césarienne primaire sans complication. Cela s’explique par le fait que l’installation est techniquement moins complexe (Kim et al. 2019). Elle permet une anesthésie rapide et adéquate du niveau thoracique moyen au sacrum. Lors d’une césarienne secondaire, s’il y a déjà une épidurale, elle peut être utilisée pour une anesthésie péridurale pendant l’intervention.

Dans certains cas, l’anesthésie générale est préférable, par exemple lorsque l’anesthésie locorégionale a échoué ou lorsqu’une césarienne doit être pratiquée en urgence et que le temps manque pour une anesthésie locorégionale. Les résultats néonatals tels que le score APGAR sont meilleurs avec une anesthésie locorégionale qu’avec une anesthésie générale. (Kim et al. 2019; Ring, Landau, et Delgado 2021; Devroe, Van de Velde, et Rex 2015).

La CSE n’a pas encore prouvé sa supériorité sur les deux autres formes d’anesthésie locorégionale (Kim et al. 2019; Simmons et al. 2012; Jing et Wang 2019).

10.3 Recommandations

Nous constatons que tous les hôpitaux ne disposent pas de protocoles relatifs aux questions abordées dans cette section et que les pratiques diffèrent entre les hôpitaux. Sur la base de la littérature, nous faisons les observations suivantes.

L’antibioprophylaxie doit être effectuée conformément aux directives relatives avant l’incision, avec une préférence actuelle pour la céfazoline. Il n’y a pas de différence claire entre une dose de 1 gramme et de 2 grammes de céfazoline. À l’avenir, il sera peut-être nécessaire d’adapter le choix de la céfazoline en fonction de la résistance. C’est également le cas lorsque des allergies ou d’autres facteurs pertinents nécessitent de choisir un autre antibiotique.

Pour la thromboprophylaxie, il est difficile de faire une recommandation sans équivoque qui s’applique à tous les cas. Il convient cependant de travailler avec des catégories de risques et d’adapter la politique et le processus en conséquence. Dans le cadre de cette politique, on peut recourir à des méthodes mécaniques et pharmaceutiques. La prophylaxie pharmaceutique dépend de la classification du risque et doit être mise en balance avec le risque d’hémorragie.

La prévention des hémorragies peut se faire par des interventions mécaniques et pharmaceutiques. En plus d’éventuelles interventions mécaniques telles que le massage utérin, l’ocytocine est recommandée pour tous les accouchements. Bien entendu, les éléments spécifiques du cas individuel doivent toujours être pris en compte. En ce qui concerne l’anesthésie, nous n’avons pas de recommandations spécifiques au-delà des éléments couverts par les autres parties de la discussion.

Au sens large, nous voyons l’importance de bons trajets de soins et de procédures de soins dans une prévention de qualité des infections, des thromboses et des hémorragies. Nous recommandons donc aux hôpitaux et au secteur de fournir de tels trajets de soins afin d’améliorer la qualité des soins sur les points mentionnés ci-dessus.


  1. Les céphalosporines, comme les pénicillines, possèdent un cycle β-lactame et leur mécanisme d’action est similaire, mais leur cycle β-lactame est moins sensible à la dégradation par les β-lactamases. La céfazoline administrée par voie parentérale (IV) est principalement utilisée en prophylaxie périopératoire (voir page BCFI).↩︎